J’adore les mots-valises et outre poustache, je suis assez fan de staycation (les vacances où l’on reste chez soi).

Aujourd’hui émerge un nouveau terme en anglais : worliday, la contraction de work et holiday, du travail et des vacances.

En français, ça donnerait soit vavail (bof, on dirait une marque d’eau de coco) ou travances (ça ressemble à une orientation sexuelle).

Est-ce que le worliday s’apprête à conquérir le monde ? Présentation du concept, alerte sur les dangers, et mon expérience personnelle du worliday.

J’ai découvert ce nouveau mot aujourd’hui dans un tweet… qui m’a ramené vers un article de la BBC News qui date de… 2011 !

Rien de très nouveau donc : on a de plus en plus de mal à dissocier les périodes de travail et celles de vacances, surtout si vous êtes un « travailleur de l’information », un copywriter, ou effectuez un bullshit job.

Faites le test :

  • Est-ce que vous répondez à vos mails tard le soir, même chez vous en famille ?
  • Est-ce que vous embarquez des dossiers pour travailler le week-end ?
  • Est-ce que vous prenez des vacances… pour travailler loin du bureau ? (je vous jure, j’ai vu ça aussi)
  • Est-ce que vous êtes du genre à poster des photos de vous sur Instagram avec la légende « Office for the day » dans des palaces ou au bord d’une piscine ?

Je me suis complètement reconnu dans ce travailleur d’un genre nouveau, qui n’est jamais vraiment en vacances, mais jamais vraiment au travail non plus.

Une organisation vraiment plus flexible ?

Avec la montée de la gig economy, de nombreux freelances ne sont plus capables de prendre des vacances avec des dates définies.

Un contrat peut arriver au dernier moment, et ils n’ont pas toujours assez d’économies pour couper toute activité.

De 2011 à 2019, quand j’étais community manager de Patrick Bruel, les vacances ont été quasi-inexistantes : les réseaux ne prennent pas de vacances. Il y a toujours une actualité à poster, une photo à partager.

Ce n’est pas beaucoup, ce ne sont parfois que quelques minutes par jour, mais le cerveau est toujours allumé. Pas au repos. Toujours vigilant, en attente de la prochaine sollicitation.

Chez Artdeseduire, on publiait 3 fois par semaine minimum pendant des années, et je passais chaque jour une heure minimum à répondre aux questions des lecteurs (faites ça si vous avez beaucoup de lecteurs, ça vous aidera à mieux connaître vos clients).

Idem pour tous les créateurs de contenu : je ne compte plus les témoignages de mes amis influenceurs et influenceuses qui pètent un câble. L’algorithme d’Instagram est leur tyran, leur boss. Ils doivent répondre aux commentaires. Ils doivent être présents pour leur communauté.

Désormais, les vacances, c’est du boulot. Pour les photographes, pour les influenceurs.

On va dans des endroits pour préparer du contenu. De plus en plus de personnes déclarent choisir leur lieu de vacances en fonction de l’instagrammabilité des destinations (Sarah Frier dans No Filter, son livre sur les coulisses d’Instagram en parle très bien).

Connaissez-vous le ROWE et la zone grise ?

Je pourrais presque copier-coller un article que j’ai écrit en 2011 sur le sujet du ROWE : cette théorie du management qui ne regarde que les résultats.

ROWE signifie Result Only Work Environment. Ce qui signifie qu’il s’agit d’un environnement dans lequel seuls vos résultats comptent.

Cette pratique a été théorisée par la célèbre directrice des ressources humaines chez Netflix : dans un document qui a marqué la Silicon Valley, elle y expliquait pourquoi les employés chez Netflix pouvaient prendre autant de vacances qu’ils le souhaitaient.

A une seule condition : tant que le travail est fait et que les résultats sont là. Je vous invite bien évidemment à consulter ce slideshare sur la culture d’entreprise qui a déjà été vu des millions de fois.

A mon sens, c’est une pratique très… pratique pour partir en vacances le mardi après-midi et bosser en terrasse depuis Andernos, pendant que la petite mange du sable.

Le seul souci, c’est le stress induit par ce nouveau mode de management, qui serait épuisant et pousserait de nombreux travailleurs en dépression ou en burn out.

En cause : avec le ROWE, on n’est ni au repos (zone blanche), ni en train de travailler (zone noire). On est tout le temps en zone grise, en train de scruter les mails sur le téléphone, en train de « poster un truc ».

C’est pour cela notamment que les plus grands groupes français ont signé une charte du droit à la déconnexion, permettant à leurs salariés d’être vraiment chez eux le soir, ou vraiment en week-end, sans avoir besoin de répondre à leur smartphone ou à leurs mails.

(Mais ne soyons pas naïf : une charte, ce n’est pas la loi).

Les indépendants, les freelances, les solopreneurs, eux, en revanche, ne peuvent compter que sur eux-mêmes et leur discipline pour s’octroyer des jours de vraies vacances.

Oui, mais moi j’aime bien le worliday !

Un jour où je postais une énième photo de mon ordinateur au bord de la piscine, avec la légende « Office for the day », une amie m’a répondu en privé : « Sélim, tu sais que tu as le droit de prendre des vacances ? »

C’est gentil de sa part de s’inquiéter pour moi. Mais travailler, j’aime bien.

Et je dois avouer que c’est aussi une drogue. J’ai besoin de mes deux à trois heures d’écriture par jour, même en vacances, sinon je me sens mal.

J’aime les longues randonnées, le sport, les musées et les promenades dans les capitales du monde entier, mais où que j’aille dans le monde, j’ai besoin de garder ce contact avec l’écriture et mon travail.

Est-ce invivable ? Il faudrait le demander à ma femme. Et dans quelques années à ma fille.

Pour l’instant, mes clients ne se sont EVIDEMMENT jamais plaints de ma disponibilité.

Le moment le plus compliqué à gérer, c’était quand j’étais en Californie, car il y avait 9 heures de décalage avec Paris.

Quand je me levais, il était déjà l’heure de poster en France sur les réseaux sociaux de Patrick Bruel. Ça m’obligeait à être au top mentalement dès le réveil, et j’étais ensuite libre pour le reste de la journée !

Confinement, télétravail, full remote : un worliday permanent ?

J’aimerais vraiment lire vos avis sur la situation depuis un an (et si vous lisez cet article en 2025, racontez-moi vos confinements, comment a évolué votre productivité).

Est-ce que vous avez l’impression de travailler vraiment ?

Est-ce que votre motivation est toujours là ?

Je vois beaucoup d’amis autour de moi se rendre compte de la vacuité de leur job. Pas facile facile…

Comment voyez-vous la suite de votre carrière ? Toujours plus de vacances ? Toujours moins de bureau ?

Sélim, professionnel du worliday depuis 2010 ! (La preuve en images ici !)